Qu’est-ce qui t’as poussé à te tourner vers l’entrepreneuriat ?
L’entrepreneuriat s’est imposé à moi telle une évidence.
J’ai eu par la grâce d’Allah un déclic, je venais de sauter le pas du voile et j’avais quitté école et travail pour pouvoir le porter comme il se doit et prier à l’heure.
Forcément, je ne comptais pas rien faire et j’ai commencé à réfléchir à un moyen de pouvoir respecter et pratiquer ma religion tout en gagnant ma vie.
Il n’y a pas 36 options qui s’offrent à nous alors l’entrepreneuriat me semblait logique.
Travailler pour moi me permettrait de vivre comme je l’entends, de faire ce que je souhaite et par conséquent cela constituait une facilité énorme pour ma religion.
C’est donc le choix que j’ai fait et al hamduLilleh quand je vois le chemin parcouru, j’en suis plus que fière aujourd’hui.
Cela a été et est une vraie ni3ma !
C’est quoi qui t’as attiré dans ce domaine-là (vêtements char3i) ?
Je venais de me voiler donc j’étais moi-même attentive et intéressée par les vêtements cha3ri à ce moment-là. Je devais refaire ma garde-robe donc forcément j’étais en plein dedans.
Je regardais ce qui se faisait sur le marché, je cherchais différents modèles etc
Puis naturellement, je me suis lancée et dès lors qu’on a commencé à vendre nos premières abayas, al hamduLilleh ça a pris beaucoup d’ampleur très vite et j’ai encore plus apprécié travailler dans ce domaine.
C’est quoi les meilleurs conseils qu’on puisse donner à qqn qui souhaite se lancer en tant qu’entrepreneur ?
Premièrement, comme pour chaque chose, je dirai qu’il faut s’en remettre à Allah et surtout Lui demander. Souvent, on pense qu’une chose peut être un bien alors qu’en réalité ça ne l’est pas et inversement. Alors une fois l’idée survenue, je conseille de faire salat istikhara.
Il faut multiplier les invocations et demander à Allah la facilité.
Ensuite, je dirai qu’il faut avoir le mental.
Il faut se préparer psychologiquement aux difficultés, car il va y en avoir c’est certain et il faut se tenir prêt à encaisser et à rebondir.
Le rapport à l’échec ou à un problème qui survient est très important à travailler. C’est souvent ce qui fait la différence entre un business qui fonctionne et un business qui coule.
Un autre facteur très important c’est de bien s’entourer. Avoir un bon entourage d’une manière générale et avoir une bonne équipe si on se focus plus sur l’aspect business.
Pouvoir faire confiance et déléguer sereinement à d’autres personnes c’est selon moi essentiel. Sans une bonne équipe c’est littéralement impossible de tenir sur le long terme et ça a été aussi là la force de Oummi Muslim wal hamduLilleh.
Est-ce que tu trouves que ce domaine est saturé ?
Je n’emploierai pas le mot « saturé », je dirai que c’est un marché qui connait de nombreux acteurs. Bien qu’il y ait de grandes entreprises qui prennent de grandes parts de marché, il est possible pour les plus petites aussi de trouver leur place.
La communauté est tellement grande Allahuma barik et les créations peuvent variées à l’infini. Une fois ces deux facteurs pris en compte, on se rend compte que même des petites entreprises peuvent se démarquer avec des créations innovantes, des coloris différents…
Je pense qu’il faut simplement faire preuve de créativité et d’inventivité. Il faut savoir se réinventer, toujours chercher à évoluer et à sortir des sentiers battus.
Il ne faut surtout pas se reposer sur ses acquis et le succès d’un ou plusieurs modèles ne garantit en rien la pérennité d’une entreprise.
C’est ça, le piège dans l’entreprenariat. Penser que l’on peut souffler après une première réussite. C’est justement à ce moment précis qu’il faut redoubler d’efforts et enchainer les succès.
À quoi il faut s’attendre quand on devient entrepreneur (difficultés comme facilités)
Je dirais qu’il faut vraiment s’attendre à tout.
Il faut se dire que ça peut ne pas marcher mais que ce n’est pas une fin en soi. Qu’il faudra persévérer, trouver des alternatives jusqu’à trouver LA recette qui va être la cause de la réussite de ton commerce.
Il y aura toujours des hauts et des bas, des modèles qui vont fonctionner mieux que d’autres. Il se peut parfois qu’un modèle sur lequel on a énormément misé flop et qu’un modèle qu’on a sous-estimé soit LE modèle qui fonctionne le mieux.
On ne peut pas gagner partout, mais la réussite est encore plus belle après ces épreuves. Il faut s’attendre à rebondir quoi qu’il arrive et à ne pas laisser ni ses émotions ni ses peurs dicter sa conduite.
Il faut aussi s’attendre à commettre des erreurs. Aucun domaine n’est parfaitement maitrisé et la beauté/difficulté de l’entrepreneuriat c’est aussi ça ! Un commerce de vêtements ça ne prend pas en compte que des vêtements. En travaillant dans ce domaine, tu deviens couturier, préparateur de commandes, webmaster, douanier, transporteur…
Tu touches à tout et souvent à des domaines que tu ne maitrises absolument pas.
Donc forcément les erreurs seront présentes mais les enseignements tirés seront une force pour la suite et permettront de s’améliorer !
Pour faire court, il faut toujours s’en remettre à الله
Si ça ne marche pas c’est que ce n’était pas prévu que ce n’était pas ton riqz, et ce tawakul te permettra de ne pas prendre les choses trop à cœur. Selon moi, c’est la pire chose pour un commerçant, car être trop sentimentalement impliqué est la porte ouverte à l’échec et à la perte de confiance.
Comment trouve-t-on la force de se lancer ?
Je ne pense pas qu’il faut trouver une quelconque force ou bien même attendre quoi que ce soit pour se lancer. Quand on se lance, on doit le faire avec envie, avec une réelle motivation certes mais il n’y a pas de recette miracle, il faut foncer.
Parfois trop réfléchir c’est laisser la place aux waswas et c’est souvent ce qui pousse à ne rien faire.
Il faut simplement se dire que tu vas devoir travailler, travailler très dur sans compter tes heures mais que tout cela en vaudra la peine. Il faut être prêt à travailler nuit et jour sans attendre de résultats instantanés.
Il faut placer sa confiance en Allah et se lancer à 100%.
La quasi-totalité de ton énergie, c’est au début de ton commerce que tu dois la mettre.
J’ai connu les deux casquettes : salariat et l’entreprenariat et c’est véritablement deux mondes opposés.
Le salariat, on nous a habitué à avoir un certain confort garanti. Tu travailles X heures pour tant de salaire, que tu es sûre de toucher chaque mois. Tu as cette sécurité de te dire que tu gagnes une somme précise et qu’à telle heure lorsque tu rentres chez toi, le travail est fait et c’est fini.
L’entreprenariat c’est totalement différent, il y a beaucoup plus de risque mais aussi plus de gains : tu travailles pour toi, tu es dans un sens plus libre…
En contrepartie, tu as énormément de travail, tu ne termines jamais de travailler car tu travailles pour toi et tes responsabilités sont constantes, tu n’as aucune certitude, aucun salaire assuré tu te dois de te le constituer toi-même…
Lorsque tu te développes et que tu embauches tu as aussi la responsabilité de tes employés qui reposent sur tes épaules car tu ne souhaites pas les voir perdre leur travail…, mais ça apporte, il faut bien le dire : une grande satisfaction que ce soit d’un point de vue personnel ou par rapport à la communauté.
Qu’est que tu préfères par rapport à ton commerce ?
Le temps que je gagne !
Le temps est une chose tellement précieuse et c’est véritablement ça ma richesse. J’ai le temps de pouvoir faire énormément de choses et surtout de faire ce dont j’ai envie et je pense que c’est la plus grande ni3ma dont on peut être dotée.
Depuis que j’ai délégué la quasi-totalité de mon entreprise, je suis libre, je m’organise comme je l’entends, je peux prendre des cours, faire du sport, passer du temps en famille…
Bien sûr, déléguer n’est pas chose aisée mais lorsque l’on trouve des gens de confiance, il faut foncer !
Je pense surtout à mon atelier de couture : Maison Éthique qui m’a énormément facilité dans le processus de réalisation de mes propres confections. Leur sérieux et leur professionnalisme, rien à dire Allahuma Barik !
Il y a également les retours de clientes. C’est une des choses que j’aime le plus parce que de part nos vêtements, on partage l’histoire et la vie de nos sœurs. Je pense notamment à cette sœur convertie qui nous achète son tout premier Jilbab ou alors à un futur mari qui achète un cadeau pour sa future femme, ou même à une maman qui achète pour sa fille qui va partir en voyage à la Mecque… Ce sont des moments de vie que l’on partage inconsciemment avec nos clientes et c’est tellement beau ! Pouvoir faire partie de moments si important, ça nous touche particulièrement et nous remplis de joie.
Remplir des petits mots d’amour on aime trop ça ! 😍
L’entrepreneuriat, clé pour la hijra ?
Selon moi, avoir un commerce qui fonctionne est une des clés qui facilite grandement la hijra et sa préservation.
Si on veut vraiment avoir une hijra stable et perdurer dans cette aventure, il est fortement recommandé d’avoir son propre commerce que l’on gère à distance, ou même sur place si on vend dans le pays directement.
Malheureusement je sais que c’est une chose qui n’est pas facile pour tout le monde. J’échange quotidiennement avec beaucoup de sœurs qui souhaiteraient faire hijra ici en Égypte avec leur famille, qui sont ici seulement pour les cours, et devrons rentrer en France après, faute de moyens ou faute de pouvoir avoir un revenu stable.
Je suis très très reconnaissante pour ce bienfait Qu’Allah m’a accordé.
Et j’espère développer ma tijara autant que possible et pouvoir embaucher et faciliter mes sœurs.
Que cette tijara soit une cause de bien pour de nombreuses familles également.
Puisse Allah faciliter à chaque famille désireuse de faire sa hijra et leur accorder un rizq abondant.
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